Des maisons de retraite aux maisons de jubilation

Personne âgée avec un médecin
@ Adobe Stock

BF : La douloureuse actualité ukrainienne a pris le pas sur une autre actualité difficile : celle des personnes âgées dans notre société. Et pourtant, à l’heure d’une élection présidentielle, il ne faut pas l’oublier.

« Les vieillards sont-ils des hommes ? A voir la manière dont notre société les traite, il est permis d’en douter ». Ces mots sont de Simone de Beauvoir dans son livre « La vieillesse » qu’elle avait écrit -je cite : « pour briser la conspiration du silence » . Et la philosophe d’ajouter : « À l’égard des personnes âgées, la société est non seulement coupable, mais criminelle. Abritée derrière les mythes de l’expansion et de l’abondance, elle traite les vieillards en parias ». Ce livre est paru en 1970. Hélas, après plus de cinquante ans, il semble qu’on n’en ait rien appris, tant l’actualité de ces derniers mois lui donne raison : il y a eu la violence de l’isolement que l’on a imposé aux personnes âgées pendant le Covid au motif de les sauver ; et maintenant le scandale des EHPAD accusés d’inhumanité, qui se conjugue avec la crise des métiers d’accompagnement et de soins.

Mais c’est une belle utopie qui mérite qu’on s’y attelle, quand on sait qu’en 2060, un tiers de la société aura plus de 60 ans !

BF : C’est terrible, mais est-ce vraiment une surprise ? 

Hélas non, Bruno, quand on constate qu’en trois quinquennats, nous avons eu trois présidents de la république… Et bien chacun a renoncé à la grande loi pourtant promise sur le grand âge, sans que ça nous émeuve. Pour Laurence de Charrette dans le Figaro, « la vieillesse est l’un des tabous de nos sociétés modernes ». Pour elle, il est là « le vrai naufrage », faisant référence aux mots du général de Gaulle sur la vieillesse. Et l’éditorialiste d’espérer que nous sachions -je cite « prendre tendrement les mains de nos ainées pour recueillir l’inestimable trésor que cet âge donne à l’humanité, et qui la sauve : le don de la fragilité ».

BF : C’est beau ! Mais comment créer les conditions pour que nos mains se croisent ?

Une autre philosophe, Gabrielle Halpern, y répond sur le site de la Fondation Jean Jaurès : « Si « maison de retraite » signifie que l’on retire ces personnes du monde, il est urgent de remettre leurs résidents au cœur du monde… Il faut faire des maisons de retraite des lieux ouverts sur le quartier, ou toutes les générations se rencontrent et font des activités ensemble ». Et de citer en exemples pêlemêles que les maisons de retraite soient mélangées avec des crèches, restaurants, musées, salles de sport et autres incubateurs de startups, pour que toutes les générations se croisent, et qu’ainsi les personnes âgées ne soient pas retirées du monde, mais au contraire l’enrichissent. Ce que l’auteur nomme «une  hybridation intergénérationnelle », où l’on se métamorphose mutuellement par la rencontre. « Alors -conclut-elle- les maisons de retraite se transformeront en maison de jubilation » – c’est l’étonnante traduction en espagnol du mot « retraite ».

On aimerait la croire, et l’on devine par avance tous les freins au nom de toutes les normes qui nous encombrent et qui parfois nous séparent ! Mais c’est une belle utopie qui mérite qu’on s’y attelle, quand on sait qu’en 2060, un tiers de la société aura plus de 60 ans !

Philippe de Lachapelle sur RCF – 25 avril

Partager