Noël, fête de la Paix

Un père fait un câlin à son fils pour Noël.
@ Adobe Stock

BF : « Heureux les artisans de paix », nous dit une des béatitudes. Mais comment dans un monde qui semble tendu comme un arc, de plus en plus clivé, peut-on être artisan de paix ?

« J’en ai marre de ce gars. Il a parlé tout seul toute la nuit, il n’arrêtait pas de marcher dans la chambre en fumant. Je peux te dire qu’il m’a déjà entendu ce matin, je vais aller le revoir, il va comprendre ! ». Paul qui me parle ainsi est un homme qui vient de la rue. Son visage est marqué par les épreuves qu’il a vécues, qui l’ont conduit dans la précarité. Nous sommes ensemble dans un séjour de vacances qui rassemble, entre autres, des hommes et des femmes en situation de précarité. Et celui dont il parle avec colère, c’est Luc, qui en plus, souffre de troubles psychiques et d’addictions. J’étais bien désemparé devant cette colère, je craignais que ça ne débouche sur une violence. J’ai balbutié quelques conseils de temporisation, j’ai invité Paul à parler avec la responsable des chambres pour en changer.

BF : C’est ce qui s’est passé ?

Le lendemain matin, je retrouve Paul à la même table au petit déjeuner. Je lui demande s’il a pu changer de chambre. Il me dit : « Non, J’ai réfléchi en moi-même. Je suis allé voir Luc, je me suis excusé parce ce que le matin au réveil, j’y avais été un peu fort avec lui. Lui aussi il m’a dit qu’il avait exagéré, qu’il n’aurait pas dû faire ça. On s’est serré la main. Cette nuit, il a été fumer et parler dehors. Il ne m’a pas trop réveillé. C’est quand même mieux comme ça que se taper dessus non ? »

On construit des murs pour se protéger les uns des autres, alors que c’est de ponts que nous avons besoin.

BF : De fait, c’est mieux ! Mais surtout, le retournement de Paul pour faire la paix avec Luc est impressionnant.

Oui, Bruno, c’est énorme et ça va bien au-delà de l’apparente anecdote ! Cette capacité à rentrer en lui-même comme le fils prodigue de l’Evangile. Ce courage d’aller rencontrer Luc, son ennemi. Cette humilité pour lui demander son pardon alors qu’il avait tant à pardonner lui-même. Se mettre au risque d’une nouvelle nuit partagée avec un Luc si imprévisible…

Vous savez, Etty Hilsum a écrit dans « Une vie bouleversée », elle qui a été exterminée dans un camp de concentration: « Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix, et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition ».

Cette invitation, nous pouvons la faire notre, Bruno, tant elle parait ajustée à la période inquiète que nous vivons. Notre monde est tendu, vous l’avez dit. On construit des murs pour se protéger les uns des autres, alors que c’est de ponts que nous avons besoin.

Eh bien, chacun d’entre nous, à l’image de Paul, peut défricher en lui-même cette vaste clairière de paix qui changera ce monde. Alors que nous nous apprêtons à accueillir le Prince de la Paix, c’est une prière que nous pouvons tout spécialement lui adresser le soir de Noël.

Chronique de Philippe de Lachapelle sur RCF – 20 janvier 2021

Partager