Ecrire pour exister

« Il y a des idées qui viennent comme ça, ou des idées insufflées. Ecrire me fait toujours du bien, ça me fait sortir mes pensées » clame Thomas, adulte autiste de 33 ans lors d’un atelier écriture organisé par son ESAT.

Vous pouvez lire ces mots dans le dernier numéro d’Ombres & lumière, la revue éditée par l’OCH. Le dossier est consacré à l’écriture, l’écriture pour exister, pour apaiser, pour avancer quand le handicap ou la maladie psychique habite une personne.

Delphine : Vous parlez d’apaisement dans le fait d’écrire. Comment ces personnes malades ou handicapées viennent à l’écriture ?

Pour tous les témoins de ce dossier, l’écriture est thérapeutique. Ils le disent avec force.

Méryem, atteinte de myopathie, amoureuse depuis l’enfance des mots en témoigne : «c’est quand ça ne va pas, que je m’y mets. Je sors tout ce qui me tracasse. C’est comme un exutoire ». Cette retraitée a depuis créé des ateliers d’écriture dans sa commune.

Patrice, atteint de schizophrénie a écrit plus de 1000 poèmes depuis l’irruption de ses symptômes oppressants. L’écriture est devenue pour lui, salutaire. Il rapporte : « Soit mes voix arrivent brutalement et l’écriture les canalise, soit c’est un marigot boueux, plein de moustique. Ce sont les idées noires, et la poésie arrive comme un torrent d’eau pure, qui nettoie le marigot, et chasse au loin les moustiques. L’écriture ouvre un chemin. » Et que va faire cet homme, cet été ? un stage d’écriture !

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Delphine : Peut-on s’improviser poète ou écrivain ?

Nayla Chidiac, docteur en psychopathologie a fondé il y a déjà 15 ans les ateliers d’écriture thérapeutique auprès de groupes de patients atteints de diverses pathologies psychiques. Ses patients ne sont pas des poètes ou écrivains renommés. Avec l’écriture, elle vise la transformation et affirme que le génie de l’écriture, c’est de faire surgir, de libérer ce qui ne parvient pas être dit.

Elle permet de penser autrement, elle est une aide véritable face à la peur de penser. Nombreuses sont les personnes qui ont tenu un journal intime dans leur vie, une façon de revisiter les évènements, de sonder leur cœur ou de réfléchir. Le style n’est pas forcément le premier objectif de l’écriture dite « thérapeutique ». Nul besoin d’être familier de l’écriture pour coucher des mots sur une feuille de papier.

Dès ce soir, Delphine, vous pouvez vous mettre à l’écriture comme le proposent de plus en plus d’établissements accueillant des personnes avec des handicaps divers. Vous découvrirez peut-être le plaisir de laisser une trace, de jouer avec des sonorités ou des rythmes différents, le plaisir d’accéder à des émotions nouvelles … l’écriture recèle des effets bénéfiques que la revue Ombres & lumière a su transmettre dans son dernier dossier. Vous y lirez les témoignages saisissants de Guillaume de Fonclare, écrivain atteint d’une maladie neurodégénérative et de Sophie de Coatpont, diagnostiquée bipolaire. L’écriture les a attachés à la vie.

Christian Bobin, écrivain et poète français, dit : « Écrire, c’est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l’ouvrir », une invitation à oser l’écriture. Cet été lançons-nous !

Florence Gros sur RCF – 3 juillet 2023