La rivalité mimétique

Une jeune fille trisomique entourée de ses parents
© krakenimages.com / Adobe Stock
Radio Notre Dame

Je voudrais vous parler aujourd’hui, de nos désirs, de ce qui nous anime dans notre quête effrénée et quotidienne de nouveaux objets, de nouveaux plaisirs, de nouvelles distractions parce que, certaines personnes handicapées ont, me semble-t-il, un enseignement à nous donner sur ce sujet.

C’est un ami, papa d’une jeune femme trisomique, qui m’a inspiré cette chronique en me confiant il y a peu de temps et je le cite : « Je me dis que l’une des choses qu’Alice (sa fille) apporte autour d’elle, c’est qu’elle n’est pas vue comme une rivale, car ses faiblesses sont trop manifestes. A son contact, les personnes non handicapées goûtent à ce qu’est une relation non polluée par la rivalité mimétique qui nous asservit si souvent ».

Simon : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la rivalité mimétique ?

C’est René Girard, anthropologue, disparu il y a quelques années qui a identifié ce phénomène présent dans toutes les cultures et toutes les époques. Cela l’a rendu célèbre. Je vous invite d’ailleurs à lire certain de ses nombreux ouvrages sur le thème.

Pour résumer, René Girard constate que devant les différentes possibilités qui s’offrent à nous, quel que soit le sujet, le premier moteur de notre choix consiste à désirer ce que l’autre désire déjà. D’où le terme de rivalité mimétique car l’autre devient rapidement un rival quand je commence à désirer ce qu’il possède. Cette rivalité mimétique entraîne une concurrence, source de tension, voire de violence. Nous sommes donc pris dans un engrenage mimétique.

A découvrir également : je rêve d’un monde régi par la loi du plus faible

Simon : Comment peut-on sortir de cet engrenage ?

Certaines personnes handicapées, comme Alice, y parviennent avec une facilité déconcertante. En effet, Alice ne s’attache pas particulièrement à ce que je possède, ne jalouse pas ma position sociale, mon argent, ma voiture… Etre en relation avec elle est apaisant, voire même pacifiant, car précisément Alice ne m’entraîne pas dans cette dynamique mortifère de la rivalité mimétique, si bien décrite par René Girard.

Le papa d’Alice en est témoin et dit : « Au contact d’Alice, on fait cette expérience de libération de la rivalité mimétique si bénéfique et si pacifiante que les gens ont envie de revenir voir Alice ».

Je pense qu’il y a quelque chose de prophétique dans cette simplicité de cœur d’Alice et de nombreuses personnes handicapées. Alice n’est pas intéressée par ce que je possède mais par la façon dont je lui suis présente. Je ne suis pas une rivale pour elle, mais une amie, ou une sœur dans le Christ.

Imaginez un peu Simon un monde dans lequel nous ne serions pas tous rivaux, tous attirés par ce que l’autre possède, imaginez un peu comme notre vie professionnelle, parfois même notre vie familiale ou amicale seraient transformées. C’est pour cette raison que certaines personnes handicapées apportent dans leur environnement, par leur seule présence, une paix étonnante, par leur simple façon d’être présentes à l’autre.

Il y bien là quelque chose de prophétique, comme une annonce du Ciel !

Florence Gros sur Radio Notre Dame – 14 février 2023

Partager