L’aphasie, un mal fréquent, à mieux prendre en compte

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BF : Il y a quelques semaines, on apprenait que l’acteur Bruce Willis, devenu aphasique, mettait fin sa carrière. Accueillie avec consternation, cette nouvelle met en lumière l’aphasie, que l’on connait peu, alors qu’elle touche beaucoup de monde.

« Je buvais un café avec une amie, et j’ai été tout d’un coup incapable de lui parler. Des mots, des sons incompréhensibles sortaient de ma bouche ». C’est ainsi que Jean Birbaum témoigne de son basculement à la suite d’un accident vasculaire cérébral. « Je ne me rappelais même plus le nom de mes enfants » poursuit-il. « Pendant des mois, j’alignais dans des mails des mots qui ne voulaient rien dire, je ne distinguais pas ce que l’on disait au téléphone ». On devine la violence que cette perte du langage fut pour ce chef d’entreprise très actif, et pour son entourage. A force de soins et de volonté, il a retrouvé une bonne partie de sa capacité de communiquer. Il est devenu photographe de sa ville de résidence en Suisse. Ma vie n’est pas la même qu’avant –conclut-il- Mais je suis heureux d’être à nouveau autonome »

L’aphasie est insuffisamment pris en compte dans la vie sociale, qui est impactée dans tous les domaines.

BF : Comment peut-on définir l’aphasie, et comment cela nous arrive-t-il ?

« On parle d’aphasie quand une personne a perdu totalement ou partiellement la capacité de communiquer, c’est-à-dire de parler ou de comprendre ce qu’on lui dit » apprend-on sur le site de la Fédération des aphasiques de France. Parler, comprendre, lire, écrire, parfois même répondre par oui ou non, est difficile, voire impossible. Mais les capacités intellectuelles, elles, sont intactes.

Toute personne peut devenir aphasique du jour au lendemain, à tout âge, à la suite d’une lésion cérébrale dont les causes peuvent être multiples. La récupération est possible, et fréquente au moins partiellement, mais pas systématique. Elle passe par la rééducation, et par la volonté du patient et de son entourage. Car il faut se battre, y compris avec un environnement qui n’est pas toujours bienveillant. « Dans un diner, on ne sait pas à coté de qui assoir celui qui ne peut parler » commente amèrement cette épouse qui constate la perte de liens sociaux depuis l’aphasie de son mari.

BF : On imagine que l’entourage immédiat joue un rôle important, dans une épreuve qui isole autant ?

Oui, Bruno, notamment pour maintenir chez la personne aphasique le désir de communiquer en l’encourageant et en s’adaptant à ses capacités. Mais on peut le comprendre, l’usure, la fatigue, voire le burn-out guettent les aidants familiaux.

L’aphasie est un problème de santé important -300 000 personnes aphasiques en France !- Il est insuffisamment pris en compte dans la vie sociale, qui est impactée dans tous les domaines. On le comprend dans ce tweet de cette autre épouse : « Si un jour quelqu’un vous tend un papier écrit « je suis aphasique, je ne peux vous dire ce que je veux, mais je peux vous répondre », prenez un instant pour cette personne ». Et d’inviter à formuler ce dont elle peut avoir besoin pour l’aider.

La parole est d’usage partout, et donc tous les corps sociaux doivent être préparés à y faire face, au travail, dans les commerces, les administrations, et même la rue, où la personne aphasique peut avoir besoin d’aide.

Philippe de Lachapelle sur RCF – 9 mai 2022

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