Soin de la nature, soin des hommes
Il y a quelques temps, je me baladais sur un chemin des douaniers bretons. La balade était agréable. Je m’émerveillais de la nature avec ses jardins d’un côté et la mer de l’autre quand tout d’un coup, mon regard a été attiré par un vieil arbre fatigué dont une grosse branche passait au-dessus du chemin et ne tenait plus que par un câble et 2 étais. J’ai immédiatement pensé à la mairie qui avait pris soin de cet arbre, le temps qu’elle avait dû passer pour décider du sort de cette branche qui empêchait le passage des promeneurs. Aujourd’hui, ils peuvent passer sous la branche entre les deux étais. C’est une belle façon d’honorer cet arbre ancien que de le laisser prendre une grande place. J’ai été traversée par l’étonnement et la joie. L’étonnement parce qu’il aurait sans doute été plus simple de couper cette branche et de s’en débarrasser. La joie parce que la créativité et l’énergie d’hommes ont vaincu la facilité. Les témoignages de protection de la nature sont une bonne nouvelle.
Cette balade bretonne a eu lieu alors que les Britanniques vivaient le décès de la Reine Elisabeth. J’ai été très sensible à cette période de deuil national laissant à chacun la possibilité d’honorer sa reine, et d’avancer sur son chemin personnel de deuil. 10 jours pour exprimer sa reconnaissance, pour honorer son défunt.
Bruno : Quel lien faites-vous entre ces deux épisodes ?
Ces deux évènements faisaient écho en moi, avec les déclarations récentes du gouvernement français qui réouvre le débat sur l’euthanasie en insistant sur le droit à mourir dans la dignité. Cela m’inquiète car je crois, que le gouvernement pense comme le philosophe Jean-Yves Goffi, (qui écrit dans Penser l’euthanasie), je cite : (que) « l’euthanasie est l’ultime expression d’une vertu de solidarité et de compassion face à la fragilité humaine et à la souffrance de l’individu ».
Je ne vous cache pas, Bruno, que je suis habitée par un étrange sentiment, une grande perplexité. Cette capacité à développer des trésors d’énergie pour prendre soin d’un arbre et le laisser vieillir me réjouit, ainsi que de voir que les promeneurs acceptent de se laisser déranger par une branche qui les obligent à s’abaisser. Les nombreux témoignages des Britanniques heureux d’honorer leur Reine décédée, voulant exprimer leur respect pour cette vie donnée jusqu’au bout en faisant des heures de queue devant son cercueil, m’émerveille également. Cela me rappelle les mots du pape François qui nous exhortait en avril dernier lors d’une audience générale d’« honorer nos ainés, en les aimant d’une autre façon, en leur rendant visite … » car disait-il, « en les déshonorant, on se déshonore soi-même ». J’aimerai que ces deux exemples éclairent le futur débat car, comme le disait le concile Vatican II : « lorsque l’homme cultive la terre et qu’il prend part à la vie des groupes sociaux, il réalise le plan de Dieu, manifesté au commencement des temps, de dominer la terre et d’achever la création, et il se cultive lui-même. En même temps, il obéit au grand commandement du Christ de se dépenser au service de ses frères ».
Je souhaite que nous réalisions ensemble le plan de Dieu en prenant soin de la terre et des hommes, en développant nos trésors de créativité, en redécouvrant ce qu’est « honorer » et que nous regardions nos ainés devenus fragiles, comme cet arbre qui vieillit dignement et qui glorifie la nature par sa présence.
Florence Gros sur RCF – 03 octobre 2022