Voile, sport et fragilité
138 solitaires ont pris le large début novembre pour une traversée de l’Atlantique entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre.
Certains sont déjà arrivés en Guadeloupe mais je souhaiterais revenir sur cette course aux diverses aspirations : course contre les éléments naturels, course au temps et course altruiste. J’ai eu la chance d’être à Saint Malo quelques jours avant le départ. Les bateaux m’ont fait rêver. Et surtout, j’ai pu goûter à cette ambiance joyeuse et fraternelle où la fragilité avait une vraie place.
Simon : Sur ces 138 bateaux, quels sont ceux qui courraient pour des associations de personnes handicapées ?
Je vous partage quelques exemples Simon :
Francois Jambou est monté à bord du class 40 « A l’aveugle » en souhaitant se mettre le plus souvent possible en situation de handicap visuel durant la compétition pour sensibiliser à ce handicap et découvrir lui-même la voile d’une autre façon. Il était arrivé à Saint Malo avec quelques personnes malvoyantes sur son bateau.
William Mathelin-Moreaux quant à lui était arrivé avec un résident de « Perce Neige », Philippe, sur « Dékuple ».
Comme en 2018, Fabrice Payen, ce skipper équipé d’une prothèse au genou s’est élancé sur son multicoque. Ce malouin était soutenu par des associations pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (l’Agefiph et Cap emploi). Il voulait montrer que les valeurs du sport sont un formidable vecteur d’insertion professionnelle.
Quant à Damien Seguin né sans main gauche courrait sur Apicil. Il a dû abandonner malheureusement après une collision avec un cargo.
Simon : Que retenir de toutes ces figures de marins ?
Je dirais une magnifique profusion de talents, doublée d’une magnifique aventure humaine. Cette route du Rhum a permis aux mondes de la voile et du handicap de se retrouver, dans une commune vision de l’humanité : dépassement de soi dans une pleine conscience de sa fragilité face à la mer. Ces aventuriers de la mer nous invitent à regarder le monde du handicap autrement. Ils nous rappellent que le dépassement de soi peut concerner chacun d’entre nous, valides ou non. J’ai trouvé aussi intéressant le départ de cette course qui a dû être différé de 2 jours par prudence à cause d’une tempête.
Simon : Quel lien avec le monde du handicap ?
Je discutais il y a quelques temps avec une personne handicapée qui me disait que cette valeur de dépassement de soi était difficile à entendre. « Mon quotidien n’est que dépassement de soi » me confiait-elle. Pour avoir une place dans le monde du travail et au sein de la société, elle doit bien souvent se surpasser et développer des trésors d’énergie. Dans cette course, les marins travaillent, anticipent, se préparent à être confrontés aux éléments naturels mais la notion de prudence fait aussi partie de la course. J’aime bien cette cohabitation entre défi, et prudence, courage et prévoyance, audace et sagesse dont on peut faire une leçon de vie. Et aussi bien sûr en cas de coup dur, une belle solidarité entre marins.
Florence Gros sur Radio Notre Dame – 22 novembre 2022