En couple, solidaires
Jean et Léa m’ont envoyé par courriel, une photo de leur dernier week-end. Ils sont tout sourire. Et un petit mot accompagne cette photo. « On va pouvoir se marier ». Suit le lien internet concernant la déconjugalisation de l’AAH qui entrera en vigueur en octobre prochain.
Jean et Léa sont tous les deux handicapés. Lui travaille, elle ne travaille plus depuis deux ans. Ils cheminent ensemble vers le mariage. Ils gèrent raisonnablement leur budget, aidés de leurs familles qui leur ont conseillé d’attendre de se marier pour ne pas perdre leur Allocation Adulte Handicapé, l’AAH.
Simon : Qu’est-ce que cela va changer ?
L’AAH pouvait être diminuée voire supprimée en fonction des revenus du conjoint. Les revenus du conjoint ne seront plus pris en compte dans le calcul de la prestation sociale. Cette déconjugalisation est donc une bonne nouvelle pour Jean et Lea et aussi pour beaucoup de conjoints handicapés dont la dépendance financière s’ajoutait à la dépendance liée au handicap. Beaucoup de conjoints se sentaient humiliés car ils avaient l’impression de peser financièrement sur celui qui gagne sa vie et de devoir demander l’autorisation à son conjoint pour la moindre dépense : coiffeur, cadeaux …
Quelques jours après le courriel de Jean et Léa, je discute avec un autre couple. Bernard est marié depuis plus de 30 ans avec Lorraine qui a une maladie dégénérative. Il prend soin d’elle depuis des années par amour. Quand nous abordons le sujet de la déconjugalisation, Bernard ne montre pas un grand enthousiasme. Il reconnaît que cela va donner à Lorraine une autonomie financière et au couple, une petite aisance financière mais il regrette ce qu’il appelle la « solidarité du couple ».
Simon : Que veut dire Bernard ?
Depuis des années, il semble normal à Bernard de veiller sur son épouse à la fois dans les gestes de la vie quotidienne mais aussi financièrement. C’est sa façon à lui d’être solidaire de son épouse handicapée, de l’aimer.
Cette interpellation, Simon, m’a fait réfléchir. Je ne m’y attendais pas. Elle révèle une signification profonde de la vie conjugale, du lien conjugal. Bernard et son épouse semblent vivre librement cette dépendance conjugale. Ils se donnent l’un à l’autre. Bernard nous appelle à aimer sans craindre la dépendance qui découle de l’Amour.
Son expérience de la fragilité dans le couple rejoint peut-être ceux qui vont participer à la première journée des couples organisés par l’OCH le 8 octobre prochain et, par ailleurs, elle pourrait utilement être partagée avec tous les fiancés. Cela irait dans le sens du Pape François qui a redit récemment son souhait que les fiancés soient bien accompagnés dans leur préparation au mariage.
Je me réjouis que cette réforme améliore la vie de nombreuses personnes handicapées. Mais l’interpellation de Bernard nous rappelle que nous sommes appelés, non à vivre comme des êtres isolés indépendants mais à nous donner, le coeur ouvert, plein d’amour et de charité, d’entraide, de camaraderie, prêts à créer des liens, de la fraternité, de la solidarité en conjuguant nos talents.
Florence Gros sur RCF – 5 septembre 2022