FACE A LA PENURIE
Le mot pénurie est sur toutes les lèvres. Vous le savez comme moi, Bruno, la pénurie d’énergie est un sujet qui nous préoccupe. Nous voyons arriver l’hiver avec anxiété, en nous demandant s’il y aura assez de gaz, d’électricité, pour chauffer nos appartements, nos bureaux et faire fonctionner nos usines.
Nous sommes invités par le gouvernement à ajuster nos comportements, à faire preuve de sobriété pour éviter le pire : une coupure d’alimentation.
Dans le même temps, nous recherchons des solutions pour faire durer un peu plus longtemps nos modes de vie en achetant de l’énergie ailleurs, en travaillant sur l’efficacité de nos machines ou sur l’isolation de nos maisons.
Vous voyez Bruno, nous sommes partagés entre nécessité de modifier à court/moyen terme nos modes de vie, et recherche de nouvelles solutions pour maintenir notre qualité de vie.
Si la pénurie d’énergie occupe beaucoup les esprits, et à juste titre, une autre situation de pénurie menace en particulier les plus fragiles.
Pour cet hiver, faisons preuve de sobriété énergétique et surtout, n’économisons pas nos efforts pour aller à la rencontre des plus isolés.
Bruno : A quelle situation pensez-vous ?
De la pénurie très importante de personnel dans le secteur des soins à la personne. Elle se ressent douloureusement dans les lieux d’accueil des plus fragiles : personnes handicapées, personnes âgées ou isolées… Il s’agit d’une pénurie moins visible quand on n’est pas directement concerné, et moins médiatisée. Mais qui a également des conséquences très graves sur le mode de vie et la qualité de vie des plus fragiles.
Cette situation contraint de nombreux lieux d’accueil à se concentrer sur les soins physiques essentiels, sans pouvoir offrir aux personnes concernées les activités quotidiennes pourtant si importantes pour rester en relation. Les activités récréatives, les promenades, les échanges autour d’une activité ludique ou culturelle participent aussi des soins essentiels que nous devons offrir aux plus fragiles, pour leur permettre de progresser ou de rester en relation avec le monde qui les entoure.
Je pense à une amie, visitée récemment, qui me disait sa détresse de ne pouvoir sortir régulièrement de son centre, de ne pouvoir discuter quelques minutes par jour avec d’autres personnes que celles qui viennent, avec beaucoup de dévouement, lui prodiguer des soins physiques.
Bruno : que peut-on faire pour lutter contre cette pénurie ?
Un peu comme pour l’énergie, nous pouvons chercher dans différentes directions. Je pense bien sûr aux moyens financiers, sans doute insuffisants dans ce secteur pour offrir des rémunérations attractives et susciter de nouvelles vocations pour mieux animer ces lieux d’accueil.
Nous pouvons aussi ajuster nos modes de vie, en reconnaissant que nous avons, chacun, la responsabilité d’aller à la rencontre des personnes fragiles, isolées chez elles ou dans des lieux d’accueil.
Responsabilité donc, mais aussi opportunité. La rencontre avec les plus fragiles est une chance pour chacun de nous et pour notre société. Les personnes fragiles humanisent notre monde en nous ouvrant à l’accueil de nos propres limites et à des relations en vérité.
Cette pénurie de personnel n’est donc pas qu’une question de professionnel mais bien un sujet qui nous concerne tous. Alors pour cet hiver, faisons preuve de sobriété énergétique et surtout, n’économisons pas nos efforts pour aller à la rencontre des plus isolés. Nous pourrons ainsi nous réchauffer mutuellement le cœur à peu de frais !
Florence Gros sur RCF – 15 novembre 2022