La grâce de l’ordinaire
Il y a quelques jours, je discutais avec une épouse d’une personne dépendante à la suite d’un AVC. Isabelle revenait de vacances, elle avait vu ses enfants, ses petits-enfants, des amis. Elle avait vécu quelque chose de léger, de bon et s’était nourrie de tendresse, ce que lui donne trop peu son mari qui accepte difficilement son handicap et ses limites. Elle avait vécu un moment tout autre, extra-ordinaire, et en témoignait avec gratitude.
Malgré cela le retour de vacances était difficile. Cette épouse avait un « coup de mou ». Reprendre les soins du quotidien, avoir comme seul interlocuteur un mari qui a perdu le dialogue, tout cela suscitait en elle une profonde tristesse. Qui pourrait la blâmer ? Certaines situations liées à la maladie, au handicap, à la fragilité demandent des trésors d’énergie. Je pense vraiment à Isabelle avec émotion et aussi à toutes les personnes qui vivent quelque chose de similaire.
Nous avons partagé toutes les deux, comme nous le faisons régulièrement et ce jour-là, je lui ai parlé de la grâce du quotidien qu’on peut sans cesse demander. Ce fut l’occasion d’un bel échange. Elle m’a partagé ce qui l’émerveillait.
Simon : Que retenez-vous de cet échange amical ?
C’est bien humain, Simon, de ne vouloir s’entourer que de bonnes choses. C’est bien normal de vouloir s’installer dans du beau et du léger. C’est heureux de vivre des choses extraordinaires. Et si les vacances ont pu nous donner un peu de cela, réjouissons-nous. Mais voilà, souvent, cela ne dure qu’un temps. Et le chapitre 3 de l’Ecclésiaste nous rappelle qu’il y a un temps pour tout. (un temps pour démolir et un temps pour construire, un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour se lamenter et un temps pour danser …). Isabelle, cette épouse m’invite, et peut-être, nous tous collectivement, à cultiver la joie du quotidien, à aimer l’instant présent, à vivre l’extraordinaire dans l’ordinaire pour que les épreuves ou les découragements ne nous rendent pas amers.
Christian Bobin, écrivain et poète, écrit sur la beauté simple du quotidien. Il parle de l’importance de chercher sans vouloir réussir et de l’émerveillement dans l’ordinaire des jours. Sainte Thérèse, elle, de son côté disait : « Pour aimer, je n’ai rien qu’aujourd’hui ». Christian Bobin et St Thérèse, tous les deux, à leur façon, nous invitent aussi à vivre l’aujourd’hui, le quotidien, dans l’assurance qu’il peut se passer quelque chose de bon, qu’il y a du beau dans l’ordinaire.
Difficile parfois d’entrer dans la grâce du quotidien. Alors, encourageons-nous les uns les autres, à repérer chaque jour, cette grâce.
Et pourquoi ne pas commencer tout de suite ? L’accueil chaleureux que vous m’avez réservé, Simon, sur ce plateau, pour cette première chronique, me fait entrer dans la grâce de ce jour.
Florence Gros sur Radio Notre-Dame – 30 août 2022