S’il te plait, laisse-moi t’aider, chemin de plénitude
Pauline rentre du travail. Elle a un handicap mental et l’âge aidant, elle est de plus en plus fragile physiquement. Elle arrive dans son foyer. Elle salue les uns et les autres et se laisse tomber dans un fauteuil. Elle lâche alors cette phrase étonnante: « Dans le bus, j’ai aidé une personne à me laisser sa place ».
Le responsable du foyer est très touché par ces mots, il s’en explique dans une lettre : « Je trouve cette parole extraordinaire, – écrit-il – Les personnes qui passent par la pauvreté, l’échec, l’exclusion, à cause de leur vulnérabilité, nous aident à leur laisser une place dans notre vie familiale, sociale, économique. Elles nous sauvent, parce qu’elles nous offrent la possibilité de nous libérer de notre égoïsme, de notre enfermement, de nos satisfactions souvent bien éphémères. Elles nous permettent de construire quelque chose de durable, une relation qui a un goût d’éternité, de l’ordre du Royaume. Elles nous permettent de faire l’expérience d’aimer et d’être aimé, nous goutons à l’amour de Dieu ».
Je ne pense pas que Pauline ait eu conscience de tout cela en aidant une personne valide à lui laisser sa place. Je ne suis pas sûr non plus que cette personne qui a consenti à lui céder sa place ait eu conscience que par ce geste, elle participait à ce mouvement de libération, de salut. Et pourtant…
Le Pape François lui-même, dans « La joie de l’Evangile » écrit : «Si je réussis à aider une seule personne à vivre mieux, cela justifie déjà le don de ma vie… Nous atteignons la plénitude quand nous brisons les murs ». Ainsi, laisser ma place à une personne âgée, handicapée, lui donner de mon temps, entrer en relation avec elle, c’est déjà l’aider à vivre mieux, c’est briser un mur. Mais si l’aide donnée est à sens unique, le risque est grand que j’en reste à la seule générosité, alors qu’il n’y a pas de vraie relation sans réciprocité. Reconnaitre que cette personne fragile m’aide à sortir de moi-même, c’est déjà faire un pas vers cette réciprocité.
« S’il te plait, laisse-moi t’aider » avait dit un jour une personne handicapée à son accompagnateur, voulant lui prêter main forte. « S’il te plait, laisse-moi t’aider », voilà ce nous pouvons entendre de toute personne vulnérable de notre entourage, âgée, handicapée, malade, exclus, sachant qu’elles ont le talent de nous aider à aider. C’est pour cela que c’est grâce à elles et avec elles que nous atteindrons cette plénitude dont parle le Pape François.
Philippe de Lachapelle sur Radio Notre Dame